L’énigme du financement de 750 000 $ au nom de la communauté marocaine .
Après trois années d’investigation minutieuse, Origines Hebdo révèle les rouages de la Fédération des Marocains musulmans au Canada (FMMC) à travers 143 documents exclusifs provenant de ministères et d’institutions des gouvernements marocain et canadien.
Retour en 2006, lorsque Abdelaziz RZIK, président de l’association musulmane de Montréal-Nord (AMMN), entame des démarches auprès du ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques et de la Fondation Hassan II pour obtenir des aides financières en vue de construire la mosquée “Noor Al-Islam”.
C’est lors de la visite de travail de Mohammed Ameur, ministre délégué en charge de la communauté marocaine résidant à l’étranger, au Canada en novembre 2008, qu’Abdelaziz Rzik présente une demande de soutien pour son association. D’après les documents obtenus, l’AMMN sollicite un financement de 750 000 dollars canadiens pour finaliser la construction de sa mosquée.
En réponse, le conseiller du ministre des Habous promet de travailler sur le dossier et exprime la volonté du ministère de soutenir la création d’une bibliothèque au sein de la nouvelle mosquée de l’AMMN.
L’idée de créer la Fédération des Marocains Musulmans au Canada est née d’une proposition de Mohamed RIFKI, conseiller du Ministre des Habous et des Affaires Islamiques, à Abdelaziz Rzik pour obtenir le soutien du Royaume du Maroc. Abdelaziz Rzik s’associe alors à quatre autres membres de la communauté marocaine établie au Québec pour fonder la FMMC, lors d’une rencontre dans un café à Laval comme le confirme un membre fondateur.
Comme à son habitude, il capte l’intérêt de l’assemblée et commence son allocution par ces mots percutants : “Suivant les instructions de Sa Majesté, j’ai pour tâche d’établir la Fédération des Marocains Musulmans au Canada.” Il montre fièrement sa photo avec Sa Majesté sur son téléphone, qu’il soit conscient ou non que des millions de Marocains ont aussi pris une photo avec le monarque.
Cependant, des divergences apparaissent lors des débats, notamment sur l’indépendance des associations vis-à-vis du Maroc et sur la nécessité de suivre la doctrine Malikite. De plus, l’appartenance de Mohammed KHALAD, représentant l’Association tunisienne Badr, est contestée en raison de sa présence au sein d’une fédération marocaine. Malgré ces désaccords, Abdelaziz Rzik cherche avant tout à constituer le quorum légal pour former la fédération.
Une semaine plus tard, Khaled FARAJ, représentant du Regroupement des Marocains au Canada, prépare la charte constitutive de la Fédération et dépose une demande de réservation du nom “Fédération des Marocains Musulmans au Canada” auprès du registre des entreprises du Québec.
Entre le 21 et le 28 février 2009, une série de rencontres et réunions hautement stratégiques ont eu lieu entre les représentants de la Fédération des Marocains Musulmans du Canada (FMMC) et les responsables gouvernementaux marocains. Abdelaziz Rzik, président de l’Association Musulmane de Montréal-Nord (AMMN), avait invité les membres du projet à se rendre au Maroc, sous la supervision de Mohamed Rifki, conseiller du Ministre des Habous et des Affaires Islamiques.
Lors de ces réunions décisives, des accords importants ont été conclus pour soutenir financièrement la FMMC au nom de la communauté marocaine musulmane du Canada.
Le 24 février 2019, une réunion s’est tenue avec Ahmed Toufiq, le Ministre des Habous et des Affaires Islamiques du Royaume du Maroc. Les participants ont exposé leurs associations respectives et évoqué le projet de la Fédération visant à faciliter la communication entre le gouvernement marocain et la communauté marocaine du Canada. Un plan d’action pour 2019 a été dévoilé, avec un budget prévisionnel compris entre 300 000 et 500 000 dollars. Abdelaziz Rzik a également obtenu un engagement de 750 000 dollars pour l’AMMN, conditionné à l’enregistrement de la Fédération et à la création d’un compte bancaire.
Le 25 février 2019, une deuxième rencontre a eu lieu avec Abdellah Boufous, Secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), et Ahmed Belharass, représentant le Ministère de l’Intérieur du royaume du Maroc. Les discussions ont abordé un projet de partenariat entre la FMMC et le CCME, sans ingérence dans les affaires des associations marocaines au Canada. D’autres questions, telles que l’organisation du champ religieux et la mise en place d’un projet de partenariat pour répondre aux besoins de la communauté, ont également été discutées.
Enfin, le 25 février 2019, une troisième réunion a eu lieu avec le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la communauté marocaine résidant à l’étranger. Le ministre a présenté le projet du Centre culturel marocain à Montréal, prévu pour une inauguration en 2012. Le centre comprendrait quatre étages, dont un dédié à une école et le rez-de-chaussée accueillant des associations, une salle de spectacle et un théâtre. La discussion a également abordé le soutien aux associations pour l’enseignement de la langue arabe aux enfants de la communauté marocaine, y compris l’envoi de livres, d’encadrants et de professeurs de langue arabe. De plus, un financement pour des camps d’été pour les enfants a été évoqué.
Le 11 mai 2009 marquait la naissance de la Fédération des Marocains musulmans au Canada (FMMC), une organisation censée représenter l’ensemble des Marocains musulmans résidant au pays. Cependant, plusieurs interrogations demeurent concernant sa création et ses membres fondateurs. Nous avons mené une enquête approfondie pour tenter d’éclaircir certains points.
Les cinq membres fondateurs de la FMMC sont Abdelaziz Rzik, courtier immobilier et représentant de l’Association musulmane de Montréal-Nord fondée en 1995 ; Ahmed Tayeb, technicien et représentant du Centre culturel islamique Ach-Choura créé en 2003 ; Khaled Faraj, directeur de garderie et représentant du Regroupement des Marocains au Canada établi en 1994 ; Radouane Chakir, expert-comptable agréé et représentant du Centre communautaire Essalam créé en 2015 ; et Mohammed Khalad, technicien et représentant du Centre islamique Badr de Saint-Léonard, géré par des Tunisiens depuis 1999.
Malgré le fait que la FMMC prétende représenter tous les Marocains musulmans du Canada, on constate que seules ces cinq associations ont été impliquées dans sa création. Il existe pourtant au moins une trentaine de mosquées au Canada avec une importante participation de la communauté marocaine. Le conseiller du ministre marocain des Habous et des Affaires islamiques, Mohamed Rifki, semble également appuyer cette représentativité élargie.
Toutefois, plusieurs questions demeurent sans réponse. Pourquoi Mohammed Aziz CHRAIBI et Abdelfettah OUALI font-ils partie de la délégation de la FMMC alors qu’ils ne sont pas parmi les fondateurs ? Pourquoi Khaled Faraj et Radouane Chakir ne font-ils pas partie de cette délégation ?
Notre enquête journalistique continue d’explorer les zones d’ombre entourant la création et la gestion de la Fédération des Marocains musulmans au Canada, dans le but de fournir des réponses claires et transparentes à la communauté marocaine et au grand public.
Nous avons tenté d’entrer en contact avec les membres fondateurs et d’autres acteurs impliqués dans la FMMC pour obtenir des éclaircissements sur les questions soulevées. À l’heure actuelle, nous n’avons pas encore reçu de réponses satisfaisantes, mais nous continuerons de suivre cette affaire de près.
Il est essentiel d’établir la confiance et la transparence entre les organisations représentatives et la communauté qu’elles sont censées servir. Notre enquête journalistique vise à garantir que la FMMC, en tant qu’organisation représentant les Marocains musulmans au Canada, fonctionne de manière transparente et éthique et répond aux attentes de la communauté marocaine.
Nous invitons quiconque ayant des informations pertinentes sur la FMMC et ses activités à nous contacter. Toutes les informations reçues seront traitées de manière confidentielle et pourront contribuer à éclairer davantage cette enquête en cours.
Restez à l’écoute pour de futures mises à jour concernant notre investigation sur la Fédération des Marocains musulmans au Canada.